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Souvenirs de Maître Xu Yun: Chapître 3 - Le chemin vers l'Eveilpar Jy Din Shakya, recueillis par Ming Zhen (Chuan Yuan) ShakyaTraduit de l'anglais par Rev. Shi Chuan Guang, OHY Le Chan a connu deux Maîtres très fameux, tous deux nommés Han Shan, l'un reclus du 9 ème siècle dont le nom signifie Montagne Froide;- l'autre qui enseigna au 16 ème siècle, dont le nom signifie Humble Montagne. Montagne Froide est le plus grand poète du Bouddhisme Chan. Humble Montagne est aussi un poète remarquable; sans doute le second des grands poètes du Chan. Montagne Froide s'en remit à la Nature pour l'aider à atteindre la paix et la compréhension. C'est en découvrant la beauté au sein du monde naturel, qu'il décela la beauté en lui-même. C'est là la voie des ermites. Ils observent, ils méditent. De l'isolement ils font la solitude. Humble Montagne sut se dépasser lui-même en se consacrant aux autres. Il s'efforça d'aider les gens du commun à atteindre l'Eveil. C'est là une tâche plus rude que de survivre au froid et à la faim. Han Shan Montagne Froide dit: Là haut, du pic qui règne sur la montagne De tous côtés, l'infini! De sa loge, à minuit La lune, solitaire, se répand en un regard Qui se mire à la surface des eaux gelées. Frissonnant, je chante à la lune. Dans ce poème, rien de Chan Mais sa musique en est pleine. Han Shan, Humble Montagne, tenta de faire entendre au commun des mortels ce qui ne peut s'exprimer par des mots: Tirez de l'eau un poisson. Jusqu'à son dernier spasme, il se souviendra de l'océan. Mettez en cage un oiseau;- pour autant il n'oubliera pas le ciel. L'un et l'autre éprouveront la nostalgie de leur véritable patrie, du seul milieu que leur assigne la nature. N'y -a-t-il rien de plus triste que le sort du poisson ou de l'oiseau? Tous, nous voudrions être le miroir qui réfléchit la Lune de l'Illumination. Tous, nous aimerions retourner dans la patrie de l'Innocence. Comment y parvenir? Par le chemin du Dharma. Le Bouddha considérait l'ignorance d'une vie non éveillée comme un état de maladie. Les Quatre Nobles Vérités énoncées par lui ont le sens d'une médecine: Un: la vie dans le Samsara est pénible et douloureuse. Deux: le désir est la cause de notre peine et de notre douleur. Trois: Il est un remède à cette maladie. Quatre: Le remède est de suivre l'Octuple Sentier. Un: il nous faut reconnaître que nous sommes malades. Deux: nous avons besoin d'un diagnostic. Trois: Nous devons être persuadés que nos maux sont susceptibles d'un traitement. Quatre: Il nous faut trouver et suivre une médication. Le Samsara n'est rien d'autre que le monde vu à travers l'ego. C'est un monde troublé et morbide, et c'est par les désirs insatiables de l'ego qu'il est rendu tel. S'efforcer de satisfaire aux exigences de l'ego est comme s'essayer à désigner le plus grand de tous les nombres dans la suite des nombres. Quelque grand que soit un nombre auquel nous pensons, on pourra toujours ajouter un autre nombre à ce nombre et obtenir ainsi un autre nombre plus grand encore. Sur ce chemin, il n'y a pas de borne. Chers amis, n'est-il pas vrai qu'une personne, si riche soit-elle, songe à posséder davantage encore? Que si confortable soit sa maison, elle convoite une plus somptueuse demeure? Que si nombreux soient ses admirateurs, elle souhaite plus de flatteries encore? La constance des désirs n'a pour conséquence que la constance des conflits qu'ils provoquent. Alors, que devons-nous faire? Tout d'abord, comprendre que les problèmes créés par l'ego ne sauraient être résolus dans le monde d'illusions toujours changeantes du Samsara. Pourquoi? Parce que l'ego lui-même est incessamment changeant, personnage de fiction qui agit et réagit seulement en réponse aux circonstances fluctuantes de la vie;- circonstances et conditions qu'il n'a jamais le pouvoir d'embrasser complètement. C'est comme d'essayer de jouer au football sur un terrain qui change constamment, avec non pas un ballon mais plutôt vingt et des joueurs qui s'époumonent à courir et d'autres qui s'endorment sur l'herbe. Personne ne saurait dire alors à quel jeu l'on joue et quelles sont les différentes règles pratiquées. Quiconque, dont l'on attendrait qu'il soit à la fois joueur et arbitre ne pourrait prendre de plaisir à pareil jeu;- sa vie sur le terrain serait un exercice mené dans la crainte, la confusion, la frustration et l'épuisement. L'Octuple Sentier, trace, délimite, établit des règles claires que chacun peut suivre. La première étape est celle de la Compréhension Correcte. La Compréhension requiert à la fois l'étude et les avis d'un Maître. L'information acquise seulement à travers les lectures n'est jamais suffisante. A supposer qu'un livre dise juste, sommes nous sûrs d'avoir compris ce que nous avons lu? Nous ne pouvons être juges de nous même. Qu'arriverait-il si les étudiants se soumettaient à eux mêmes les épreuves de leurs examens? Tout le monde récolterait la note la plus élevée. Mais combien auraient véritablement dominé leur sujet? Beaucoup d'étudiants du Chan lisent un livre et, jugeant satisfaisant leur degré de compréhension, ils engagent leurs amis dans des arguments fallacieux en les abreuvant de déclarations magistrales. L'avis de enseignants sur ces discours est qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois. On ne saurait se passer d'un bon enseignant. Un bon enseignant est celui qui est capable d'estimer, au long du chemin, si nous avons réellement compris ce à quoi nous avons consacré notre étude. Si un passage d'un livre nous paraît obscur, ce n'est pas le livre que nous pouvons interroger. Mais si nous sommes en désaccord avec certaines vues de notre enseignant, nous ne pouvons pas nous débarrasser aussi aisément de ce qu 'il nous dit que si nous sautions les paragraphes d'un livre qui ne nous conviennent pas. Si c'est nécessaire, il nous faudra consulter un autre maître, car il n'est rien qui puisse remplacer le face à face d'entretiens familiers. Il était une fois voyez vous, un marin qui, sur le point de quitter le port, fit la connaissance de la femme de ses rêves. Il en tomba aussitôt fou amoureux. Malheureusement il lui fallait satisfaire à l'obligation de son contrat d'embarquement. Il lui restait deux années à naviguer. Il embarqua donc en se disant: " Je ne la laisserai pas m'oublier. Je lui écrirai chaque jour. A défaut de mieux, elle finira par m'aimer pour ma fidélité. Ainsi fit-il. Où qu'il fût, il lui écrivit chaque jour. Quand il revint au pays, deux ans plus tard, il apprit qu'après avoir reçu la deux centième lettre, sa future avait épousé le facteur. Chers amis, pour accomplir la compréhension du Dharma, n'imitez pas ce pauvre marin qui fit tant confiance à la puissance des écrits. Trouvez un Maître, et rencontrez le souvent. Ouvrez lui votre cœur. Mieux il vous connaîtra et mieux il sera à même de vous guider et de vous instruire. La deuxième étape est celle de la pensée correcte. Penser correctement nous requiert de devenir attentifs à nos motivations. Nous devons sans cesse nous demander pourquoi nous souhaitons avoir ceci ou pourquoi nous voulons cela. Et nous devons être impitoyables avec nous même dans ce perpétuel questionnement. Si un ami désirait se procurer quelque chose d'impossible à obtenir, ou agir d'une façon qui lui fût dommageable, nous ne manquerions pas de lui donner un conseil avisé, nous le mettrions en garde contre lui-même;- ne l'aiderions nous pas à surmonter ses absurdes désirs? Ne nous est-il pas possible d'adopter une telle attitude amicale à l'égard de nous-mêmes? Sommes nous donc incapables d'exercer le sens commun le plus ordinaire à nos propres convoitises? Une examen soigneux éclairera notre situation: Un certain Seigneur de la Guerre T'ien Chi et le Roi de Ch'i aimaient les courses de chevaux. Ils se rencontraient souvent pour faire concourir leurs montures. Chacun d'eux possédait trois classes de chevaux. La troisième était celle des chevaux de trait; de ceux dont on se sert pour les attelages de charge;- grands et puissants mais très lents d'allures. La deuxième classe était celle des chevaux de cavalerie, ceux que montent les lanciers, les archers et autres sabreurs. Ces chevaux sont forts et plutôt rapides; mais ils ne sont généralement pas jeunes, car leur dressage demande des années. La première classe était composée de chevaux de pure lignée réservés aux nobles personnages et aux officiers de haut rang. Les chevaux de cette classe étaient légers et rapides. Chaque fois que le Roi et le Seigneur de la Guerre faisaient courir leurs chevaux, ils mettaient en ligne d'abord leurs chevaux de troisième classe, puis ceux de la seconde classe, et enfin leurs chevaux de pur sang. Mais la richesse du Roi était considérable et il possédait des chevaux bien meilleurs que ceux de son concurrent. Ce qui lui permettait de gagner toutes les courses. Dans son dépit, le Seigneur de la Guerre T'ien Chi s'adressa à Sun Ping, un sage successeur de Sun Tzu , l'auteur fameux de "l'Art de la Guerre". T'ien Chi demanda à Sun Pin comment il devait s'y prendre pour gagner contre le Roi. Le sage Sun Ping réfléchit un moment, puis la réponse fut: " Je suggère qu'à la compétition des chevaux de la troisième classe vous fassiez courir vos chevaux de la deuxième classe. Quand le Roi mettra en course ses chevaux de sa deuxième classe, vous mettrez ceux de la première. Ainsi vous gagnerez deux courses sur trois. Cette réponse d'humeur était toute simple. Pourquoi T'ien Chi ne sut il rien tirer de la sage et plaisante admonestation de Sun Pin? Parce que son ego se trouvait trop émotionnellement engagé dans la compétition. Il ne sut pas considérer sa situation et la voir pour ce qu'elle était. Il ne sut pas s'appliquer à lui-même le conseil reçu. Il ne se comporta pas selon la pensée correcte. Chers amis, soyez implacables dans l'investigation de vos désirs. Ayez à votre propre égard la même attitude de sens commun que vous auriez pour conseiller un ami. La troisième étape est celle de la Parole Correcte. Trop souvent nous impliquons les mots au service de notre ego. Pour obtenir quelque avantage, nous usons des mots avec excès, nous exagérons, ou nous négligeons de tout dire, ou nous arguons de la culpabilité d'autrui afin de montrer notre innocence immaculée. Parfois, pour mieux capter l'attention il nous arrive de conter de sombres histoires ou de faire des plaisanteries salaces. Nous pensons que les faits sont une chose et les mots autre chose; que ceux-ci ont une vie brève et bien peu de pouvoir, qu'ils s'évaporent avec le souffle qui les a produits. Pourtant, les mots ne sont point sans pouvoir et ils peuvent demeurer à jamais vivants. Davantage,- ils peuvent aussi bien guérir que blesser. De même qu'elle nous décourage de prononcer de faux discours, des insultes, des accusations, ou de nous vanter de nos réussites, la pratique de la Parole Correcte nous dispose à user de mots de réconfort, à dispenser des mots de pardon, à exprimer notre reconnaissance et notre appréciation des succès des autres. Ne sous-estimez jamais le pouvoir des mots. Voici une ancienne histoire qui illustrera mon propos: Par un beau jour de printemps, les promeneurs étaient nombreux dans un parc à admirer l'herbe verte et les arbres et les plantes en fleur. Parmi eux, deux mendiants. Le premier portait une pancarte: "Je suis aveugle". La plupart des gens ne s'arrêtaient pas, occupés qu'ils étaient à contempler le paysage. Le premier avait fait beaucoup mieux. Presque chaque passant jetait une pièce dans sa sébile. Ceux qui ne s'étaient pas d'abord arrêtés revenaient sur leur pas pour offrir leur obole. Sa pancarte portait ces mots: " C'est le mois de Mai, et je suis aveugle." Chers amis, quand vous décidez de parler ou de vous taire, songez à l'aveugle qui n'ignorait pas la différence de résultat que peut provoquer une simple petite phrase!" La quatrième étape est celle de la Juste Action. La Juste Action implique les Préceptes. 1.- Le vœu bouddhiste de non violence. Cela ne signifie pas que l'on n'a pas le droit de défendre sa vie ou celle des personnes dont on a la charge;- cela veut dire que l'on doit s'abstenir d'ouvrir les hostilités contre qui que ce soit. Et l'on est soi-même de ceux contre lesquels il ne faut rien entreprendre. La paix n'est pas seulement l'absence de guerre. L'anxiété n'est pas une conduite agressive; pourtant ce n'est pas un cependant état de paix. Celui qui est tombé dans le coma n'est pas en guerre; cependant il n'est pas en paix. La paix est le fruit d'une conduite délibérée et délibérément maintenue. Ce n'est pas assez d'être non violent. Encore faut-il susciter harmonie, bonne volonté et salubrité. Par exemple, fumer est une manière inamicale à l'égard de soi-même aussi bien qu'à l'égard de ceux qui vous entourent. Pour cette double raison, fumer est interdit par le précepte qui prohibe la violence. Autant que faire se peut un bouddhiste doit s'abstenir de consommer de la viande. Je dis: "autant que faire se peut" parce que ce n'est pas là une règle absolue. Nombre de gens vivent dans les régions arctiques où ils n'ont pas d'autre choix que de manger des poissons et des animaux marins. On ne peut cultiver des jardins potagers dans la toundra; et l'on ne saurait tenir à l'écart du Dharma des êtres humains dont l'environnement rend impraticable un régime végétarien. Mais partout où il y a abondance de végétaux, il n'y a pas de raison de manger de la chair animale. Notez en outre qu'un régime végétarien entretient la santé. Ne serait-ce que pour cette seule raison, il conviendrait d'en user. L'exercice physique -Tai Ji Quan ou Qi Gong- atténue l'agressivité et la colère. L'un et l'autre ont sur le corps un effet salutaire. De même le Yoga est-il très bénéfique. 2.- Le vœu bouddhique de vérité. Il s'applique non seulement dans la vie sociale ordinaire mais aussi dans le monde professionnel. Ce précepte concerne la tromperie et la mauvaise foi. Chaque fois que nous sacrifions la vérité en vue d'un avantage escompté, nous entrons dans un monde embrouillé et distordu. Il y avait à Tokyo deux marchands qui, après des années de complicité abusive et de tromperie se livrèrent férocement concurrence l'un l'autre. Un jour ils se rencontrent à la station du chemin de fer. Le premier marchand demande: "Où allez vous donc?" Le second réfléchit un instant puis répond qu'il se rend à Kobe. Le premier, courroucé, réplique: "Vous n'êtes qu'un menteur. Vous me dites que vous allez à Kobe pour me faire croire que vous allez à Osaka. Mais je sais à quoi m'en tenir, j'ai fait mon enquête;- et je vous dis moi que c'est à Kobe que vous allez!" Chers amis, voilà ce qui arrive quand s'est découverte la moindre mauvaise foi. Notre réputation est comme l'étiquette apposée sur un colis postal. Dès lors que nous sommes connus comme des menteurs et des trompeurs, nos intentions sont cataloguées, quelque innocents que nous soyons. Nos dires et nos actes sont sujets au doute et à la défiance. 3.- Le vœu bouddhique de ne point s'approprier le bien d'autrui. C'est le Précepte qui interdit le vol. Certains estiment que ce Précepte ne concerne que les monte-en-l'air et les pickpockets. Ils pensent que s'il n'y a pas larcin ou effraction et viol de domicile, ils n'ont pas à se soucier de ce Précepte. En vertu de quoi, ils n'éprouvent aucun remords des menus actes de malhonnêteté ou d'appropriation indue dont ils se rendent coupables. Mais, qu'est ce qu'une dette non remboursée? N'est-ce pas un vol? Qu'est ce qu'emprunter et ne point rendre? N'est-ce pas aussi voler? Qu'est ce que se servir du bien d'autrui et l'endommager sans réparer le dommage? N'est-ce pas voler? Il nous arrive de nous conduire comme si nous étions en droit de nous approprier le bien d'autrui pour la seule raison que quelqu'un s'est approprié le nôtre. La Règle d'Or nous dit de ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu'il nous fît. Elle ne nous dit pas que nous pouvons faire à autrui ce que nous a fait autrui. C'est parce que nous excusons volontiers et tenons pour peu de chose nos propres méfaits que nous ne ressentons pas le besoin de nous en repentir. Selon l'ancienne sagesse: "Le voleur est désolé de devoir être pendu;- non pas d'avoir volé." Si, avant de commettre un acte quelconque son examinions son aspect moral et ses résultats possibles, nous n'aurions jamais à craindre le châtiment. 4.- Le vœu bouddhiste de modération, de moralité et de responsabilité en matière de sexualité. A propos de ce seul Précepte, nous avons loisir de constater combien il est facile de rompre les autres vœux. Pour satisfaire son appétit de luxure, un homme est capable de voler. Pour combler son désir charnel, un homme peut abuser la femme qu'il convoite en la faisant boire; il peut l'abuser par des promesses fallacieuses. Et lorsqu'il s'empare du corps d'une femme de pareille manière ne lui cause-t-il pas un grand tort? De même qu'il nous faut puissamment condamner l'immoralité, de même devons nous encourager et louer les conduites morales. Une personne vertueuse, une personne pudique dans sa vie privée, une personne fidèle aux vœux sacrés du mariage a le mérite de beaucoup d'honneur. C'est dans le manque à observer le Précepte de moralité que se découvrent les pires hypocrites. Nous avons maintes fois rencontré des hommes qui veillent férocement sur leurs propres filles et qui ne se privent pas pour autant de débaucher celles des autres, ou des hommes fort attentifs à garder leur épouse mais qui, l'occasion se présentant, séduiront une femme mariée. Et s'il survient qu'un tel homme tue celui qui a souillé ses filles ou sa femme, il n'attendra pas moins de ses juges que d'être tenu pour une victime et d'obtenir leur absolution. Tout débauché et suborneur qu'il soit, il se regardera comme un héros. C'est là une triste et terrible vérité. Certes il n'est pas aisé de résister à la tentation de la luxure. La tentation est partout; elle a mille aspects. Pourtant si un homme réservait à dominer ses désirs un peu de l'énergie qu'il consacre à ses conquêtes, il ferait de notables progrès spirituels. Tout homme respectable offre la preuve que le combat de l'austérité est ardu. Le Bouddha lui-même en convint: "S'il m'avait fallu affronter un autre obstacle aussi pénible à surmonter que ma sexualité, j'y aurais probablement renoncé". L'humour et la modestie du Bouddha devraient nous être un grand encouragement. 5.- Le vœu bouddhique de renoncement à l'usage de l'alcool et de la drogue. On entend dire: " un verre de temps à autre ne fait de mal à personne ". Mais un buveur occasionnel est un buveur. Répéter cet adage a aussi peu de sens que de dire d'une femme qu'elle est un petit peu enceinte. Elle est enceinte ou elle ne l'est pas. Le " de temps à autre " est comme une porte ouverte par laquelle n'importe quel voleur peut entrer. La porte de la sobriété est fermée ou elle ne l'est pas. L'expérience prouve que la meilleure façon de résoudre un problème est de n'avoir pas à y faire face. L'abstinence complète est le meilleur moyen d'observer ce Précepte et de lui rester fidèle. Le buveur occasionnel peut rester sobre pour autant qu'il n'est pas assailli par les soucis; mais s'il est saisi par l'anxiété il se laisse vite aller à l'échappatoire sans issue de l'alcool. Et quand il est pris par la boisson, il sait qu'encore un verre est un verre de trop...et que cent verres ne seront pas encore assez. L'alcool nous procure la détente de nos inhibitions et nous permet de laisser libre cours à notre ego. Il nous convie alors à outrepasser les règles de la bienséance et de la décence; Il nous incline à attribuer à la boisson les errements de notre conduite, et à oublier que c'est à nous-mêmes que revient la faute;- et non à l'alcool. Bien sûr, nous nous disons qu'un verre nous fait plaisir; mais pouvons nous vraiment prendre du plaisir quand nous buvons au point d'émousser nos sens? Et même le pourrions nous, quel serait ce plaisir dont n'aurions pas la faculté de nous souvenir et de nous rappeler la saveur? Nous constatons souvent qu'une personne intoxiquée qui commet une action immorale, une fois dégrisée et sobre, se regarde avec dégoût; cependant cette personne prendra prétexte de ce dégoût même pour boire de nouveau. Il vaudrait bien mieux pour elle d'être consciente de sa vraie nature, le glorieux Soi Bouddha. Mieux vaudrait qu'elle apprenne que c'est en elle qu'elle trouvera la vérité, la paix, la joie et la liberté. Faites lui comprendre que si ces plaisirs là pouvaient pousser sur une vigne et être mis en bouteille, nous serions tous vignerons et ivrognes. Chers amis, un vieux dicton énonce: "In vino veritas", ...nous trouverons la vérité dans le vin, ...pourvu que nous buvions assez. Mais, la seule et unique vérité que l'on puisse trouver au fond d'une bouteille, c'est que la vie dans le Samsara est amertume et douleur. 5.- La cinquième étape est la Rectitude de Vie. Il est clair que si nous ne pouvons pas participer à des activités illégales par amusement, nous ne pouvons pas davantage y participer pour le profit. Toute vie honnête est honorable. Un travail honnête est un travail honnête. Il n'y a ni occupations nobles ni occupations ignobles. Pourtant cela n'est pas aussi élémentaire qu'il y paraît. Ainsi, en Inde, existe le système traditionnel des castes. Il y a une caste sacerdotale, une classe des guerriers, une classe des marchands, une classe des travailleurs, et au plus bas la classe des intouchables, c'est à dire des gens socialement hors classe. Quelle que soit la classe dans laquelle on est né,on ne peut en sortir. On ne peut décider de passer d'un métier à un autre. Aussi intelligent et doué que l'on soit, si l'on est né dans une famille de paysans, on restera un paysan, et ce sera le seul métier que l'on pourra exercer. On ne pourra même pas avoir une vie sociale hors de sa caste. De nos jours, le système n'est plus aussi rigide; mais au temps du Bouddha cette règle des castes était inviolable. Néanmoins, le Bouddha ne se plia pas à cette règle injuste. Il ne voulut se plier à aucune règle de cette sorte. Et le peuple lui en sut gré. Il était né prince mais il ne faisait pas la moindre distinction à l'égard de ceux qui étaient nés plus bas que lui. En vérité, tous ceux qu'il rencontra étaient nés plus bas que lui. Un prince n'a socialement personne au dessus de soi. Le Bouddha ne fit jamais aucun cas du métier ou du rang social de qui que ce fût. Il possédait "l'œil de la clairvoyance". Aucun pieux mensonge ne pouvait l'abuser. Il lui suffisait d'un regard pour savoir qu'il avait affaire à un saint homme; et peu de ceux qu'il connut étaient marqués de la sainteté. Il se trouva que près de Shravasti vivait un certain Sunita. Cet homme occupait un rang si bas dans l'échelle sociale qu'il n'avait même pas le droit de travailler pour gagner sa vie. C'était un intouchable et nul n'aurait osé enfreindre la règle pour lui donner de l'ouvrage. Sunita, pour survivre, allait chaque jour à la décharge publique et il fouillait les bouquets au rebut afin d'y trouver les fleurs qui par exception étaient restées fraîches parmi celles qui avaient commencé à pourrir. Il arrangeait ensemble toutes les fleurs ainsi récupérées et, au bord de la route, il vendait aux passants ces bouquets improvisés. Il y avait certes à Shravasti d'aussi pauvres gens que Sunita, mais il n'y en avait sûrement pas de plus pauvres. Cependant, tout pauvre qu'il était, Sunita avait atteint l'éveil. C'était un homme empreint de douceur et de d'amour. Faut-il ajouter qu'il avait été un auditeur du Bouddha et qu'il était un croyant convaincu. Un jour, au cours d'une procession, le Bouddha descendit vers la route près de laquelle Sunita cherchait dans son tas d'immondices des fleurs non encore fanées. Aussitôt que Sunita vit approcher la procession, il s'accroupit à l'abri d'un rocher. Mais le Bouddha l'avait déjà aperçu et, de son Œil de Clairvoyance, il avait reconnu un Eveillé. Il héla cet homme qui se cachait: " Allons, lève toi et montre toi à moi! ". Décontenancé, Sunita se dressa, la tête courbée et les paumes jointes levées devant son front, dans l'attitude de la prière. "Pourquoi te cachais tu?" - "Saint Bouddha, je ne voulais pas que ma vue offense votre regard. Je ne suis pas digne d'un coup d'œil de vous." Bien des gens qui suivaient la procession furent de cet avis. Ils le saisirent par la manche, tentant de l'expulser et de l'éloigner de leur chemin.: "Il est sale; ce n'est qu'un ramasseur d'ordures. Ce n'est qu'un intouchable." "C'en est donc un? demanda le Bouddha." Traversant le groupe de ceux qui rejetaient l'homme, il le prit par les épaules. "Voyez, je le touche. Pourtant il n'en meurt pas!". Puis s'adressant à celui-ci, le Bouddha proposa à Sunita: " J'ai lieu de croire que ce travail que vous faites ici ne vous convient guère. Accepteriez vous de devenir l'un de mes assistants et de m'aider dans mon ministère? J'aurais plaisir à avoir près de moi un travailleur tel que vous." Le visage baigné de larmes, Sunita répondit qu'il acceptait. Il est dit que, selon le souhait du Bouddha, il passa le reste de sa vie auprès de celui-ci. 6.-La sixième étape est celle de l'Effort Juste. Nous accomplissons un Effort Juste lorsque nous mettons fin à de mauvaises habitudes, à des pratiques déplorables et que nous nous dévouons à de bonnes en œuvre. C'est plus facile à dire qu'à faire. Nous savons qu'avec l'habitude vient l'habileté; encore faut-il que pour mettre en œuvre les leçons d'ordre spirituel que nous avons reçues nous trouvions des occasions. Dans le Chan, sachons le, nous devons devenir attentifs au fait qu'à chacune de nos respirations nous trouvons justement une occasion de pratique . Les gens se croient envahis par le monde. Ils ne comprennent pas qu'ils sont les gardiens des portes qui ouvrent sur leur propre esprit;- et qu'il leur est loisible de fermer, de verrouiller ces portes. S'ils s'imaginent à tort victimes d'effraction de la part du monde, c'est que le gardien des portes ne les a pas closes. Ce sont ceux qui ne sont pas capables de contrôler leur propre esprit qui s'efforcent de contrôler l'esprit des autres. Ils craignent moins de s'ingénier à gouverner les pensées de centaines d'hommes et de femmes que de s'essayer à maîtriser les leurs. C'est cet état de choses que le Bouddha prenait en compte quand il disait que celui qui vainc dix mille hommes au combat n'est pas si grand héros que celui qui se vainc lui-même. Chaque jour, dans tous nos actes, nous devons poursuivre davantage notre but, l'Eveil. Nous devons veiller à l'attention à nous-même. Si nous avons des relations avec des personnes dont la fréquentation nous mène vers l'erreur, nous devons cesser de les rencontrer. Si nous ne disposons pas d'un temps suffisant pour méditer parce que nous sommes trop occupés par nos amusements et par le sport, nous devons réduire ces activités. Atteindre la pacification du Chan exige un effort conscient. Et c'est par la pratique que s'obtient le calme. Un homme avisé a noté que l'esprit d'un vrai adepte du Chan ne peut être affligé ou subjugué. Quelque favorables ou adverses que soient les temps, son coeur demeure impassible dans la paix, comme une pendule battant au cœur d'un orage. J'aime cette image. Tous nous devrions avoir un cœur pareil à une telle pendule. 7.- La sixième étape est celle de la Rectitude de l'Esprit attentif. Nous n'avons pas seulement à concentrer notre esprit sur notre mantra, -si c'est la méthode du mantra que nous avons choisie - ou à maintenir rigoureusement notre mental dans la discrimination du réel et des pensées trompeuses,- si c'est cette autre méthode que nous avons choisie;- nous avons aussi à demeurer clairement conscients des causes et des effets de toutes nos actions. Chers amis, nous ne devrions jamais laisser passer un jour sans faire réflexion sur notre conduite. Avons nous fait tout ce que nous pouvions pour être bons et secourables envers les autres? Avons nous en quelque façon agi à l'encontre du Dharma du Bouddha? Avons nous été minables, méchants? Vaniteux ou paresseux? Gloutons ou avides? Jaloux ou coléreux? Nous sommes nous souillés nous-mêmes ou avons nous souillé quelqu'un par des pensées, des paroles ou des actes obscènes? Prendre conscience de nos propres fautes n'est pas une affaire facile. Il nous arrive de nous efforcer à les discerner, mais sans succès. Si, de nuit, nous nous tenons dans une pièce brillamment illuminée, et que nous tentons de regarder le paysage à travers une fenêtre, nous ne verrons rien d'autre que notre propre reflet dans la vitre. Nous ne constaterons rien que nous ne connaissions déjà: l'image de nous-même cantonnée dans ce petit espace où nous sommes confinés. Si nous voulons vraiment voir autre chose au delà de nous-même, il nous faut éteindre tout éclairage. Il nous faut éclipser notre ego ou le bannir totalement. C'est seulement ainsi que nous serons capables de plonger notre regard à travers la transparence de la glace. 8.- La huitième étape est celle de la Méditation Correcte. 1.- Le Hua Tou. Chers amis, si selon l'antique sagesse, un homme désire être heureux pour une heure, un bon repas y pourvoira. S'il veut l'être pendant un an, qu'il se marie! Pour être heureux sa vie durant, il cultivera son jardin; mais s'il veut être heureux dans l'éternité, il doit interroger un Hua Tou. Qu'est ce qu'un Hua Tou? Hua Tou signifie "tête de mot", tandis que Hua Wei veut dire "queue de mot". Si un chien nous dépasse, c'est sa tête que nous verrons avant le reste de son corps;- et ensuite sa queue. N'est ce pas normal? De même la "tête de mot", le Hua Tou est le point d'où naît et sourd la pensée,- l'invisible, l'imperceptible point situé nulle part, mais juste là, avant qu'apparaisse le "corps" du chien qu'est la conscience de l'ego. La "queue" suit la pensée; nous y reviendrons. Autrefois, on considérait que c'était assez d'atteindre la quiétude de l'esprit pour obtenir l'Eveil à la Nature de Bouddha. Le Sixième Patriarche Bodhidharma a parlé de "la tranquillisation de l'esprit" ainsi que de la "perception du Soi-Nature". L'une et l'autre expressions évoquaient la simple reconnaissance de l'état véritable de l'Esprit dans sa pureté imperturbable. Mais viser à la tranquillisation de l'Esprit n'est pas aussi si simple à accomplir qu'il peut sembler. Les années et les années passant, et le Chan se répandant, des gens de capacités diverses y prirent intérêt. Nombreux furent les pratiquants qui se targuaient d' avoir découvert des chemins faciles vers les états exaltés de l'Eveil. Ils prétendaient être en possession des trésors du Dharma. Toutefois, ces trésors appartenaient à d'autres que ceux qui les décrivaient. Les véritables Maîtres du Chan étaient bien sûr en mesure de faire justice de ces fausses prétentions; mais les débutants, eux, n'avaient pas par eux mêmes les moyens de distinguer le vrai du faux. C'est pourquoi, les Maîtres, affectés par la confusion entretenue dans les esprits non prévenus, décidèrent de mettre en œuvre des méthodes de constat et d'authentification de l'Eveil réalisé par les adeptes. L'une des méthodes qu'ils mirent au jour est celle du Hua Tou. Et qu'est ce en fait qu'un Hua Tou? C'est un énoncé destiné à provoquer la concentration mentale en une visée singulière, en un point qui n'existe que dans la "tête" de l'Esprit Fondamental;- un point immédiatement antérieur au surgissement de la pensée de la conscience ego. Le Hua Tou est une pensée à sa source même. Voyons d'un peu plus près le Hua Tou "Qui est ce qui répète le nom du Bouddha?". De tous les Hua Tou, celui là est le plus puissant. Ce Hua Tou peut être interprété de plusieurs manières, mais toutes ramènent à cette question primordiale: "Qui suis-je?" ou plus lapidairement encore: "Qui?". Quelle que soit la façon de poser cette question, la réponse gît au lieu d'où elle a émergé: dans la source, dans le Soi Bouddha. A cette question, l'ego n'a pas la capacité de répondre. Il va de soi que les réponses rapides et faciles sont sans valeur. Quand nous nous demandons: "Qui répète le nom du Bouddha?", il nous est certes loisible de rétorquer: "C'est moi, le Soi Bouddha!". Et tout est bien ainsi .Mais ne convient il pas alors de questionner plus avant: " Qui est ce Moi, ce Je? " Et nous poursuivons dès lors une sorte de confrontation mentale de questions et de possibles réponses. C'est une guerilla sans fin qui se livre en nous. Ego contre ego. Parfois l'ego apparaît vainqueur, parfois vaincu. La bataille ne s'achève point. Qu'est ce donc qui fait que cet esprit, le mien, se pense conscient d'être le mien? Qu'est ce que cet esprit? Qu'est ce que la conscience d'avoir conscience? Notre questionnement se fait de plus en plus subtil et bientôt nous obsède. Qui suis-je? Qui? Comment puis-je savoir qui je suis? Ces interrogations tournent dans notre esprit comme des boxeurs irrités et fatigués de combattre. Quelquefois nous songeons à abandonner le Hua Tou, mais nous savons que nous ne parviendrons pas à le chasser de notre esprit. Nul gong ne sonne pour nous annoncer la fin du round. Et si nous ne goûtons pas les métaphores pugilistiques, disons simplement que le Hua Tou nous hante comme une mélodie que nous ne pouvons cesser de fredonner intérieurement. Ainsi sommes nous; - incessamment défiés, combattant encore et encore. Est-il besoin de le dire? Jamais un Hua Tou ne doit dégénérer en une expression vide. Beaucoup de gens pensent qu'il peuvent se permettre d'esquiver et se contenter de simuler le combat. Leurs lèvres répètent mécaniquement: " Qui répète le nom du Bouddha! Qui répète le nom du Bouddha!", tandis que leur esprit est ailleurs. Ce n'est qu'un travail de perroquet, non celui d'adeptes du Chan. Le Hua Tou a un sens. C'est une question à laquelle il y a une réponse; et nous devons être déterminés à la découvrir. Je sais que cette question "Qui suis-je?" apparaît comme une question ordinaire; il devrait être aisé d'y répondre sans difficulté particulière. Ce n'est pourtant pas une question facile. Elle est plutôt déconcertante. N'est il pas constant que bien des gens, parvenus à un certain moment de leur existence, commencent à se demander qui ils sont. Prenez par exemple une femme d'âge moyen qui en est à s'interroger sur ce qu'elle est. Elle vit ce que nos psychologues d'aujourd'hui appellent une crise d'identité. Ses enfants ont peut-être quitté la maison et son mari n'éprouve plus guère de désir pour elle. Elle est troublée, déprimée. Soudain elle s'aperçoit que tout au long de ces années passées elle s'est identifiée en termes de relations avec les autres. Elle a été la fille, la sœur ou l'employée ou l'amie ou l'épouse ou la mère de quelqu'un. Cette femme se met maintenant à se demander " Qui suis-je si je ne suis pas que la fille, l'épouse, la mère...? Qui suis-je exactement? ". Elle revoit sa vie et comprend qu'en se consacrant à satisfaire les besoins de l'un elle avait été incapable de satisfaire ceux de l'autre;- et que ceux qui s'étaient sentis négligés par elle l'avaient critiquée, tandis que ceux qu'elle avait aidés avaient reçu cette aide comme un dû. Elle avait souffert d'être critiquée d'un côté, et de n'avoir fait que son devoir de l'autre. Pire, elle peut comprendre qu'en satisfaisant aux exigences d'ordre social, elle avait pour autant renoncé aux besoins de sa vie intérieure. Elle juge que c'est une faillite spirituelle. Elle se demande pourquoi elle a tant fait pour les autres, et pourquoi elle n'a rien fait pour son Soi Bouddha. Mais ces deux versants de la vie n'en font qu'un. On ne peut se contenter d'en survoler un isolément. N'est-ce pas parce que nous voulons être aimés ou respectés, craints ou admirés que nous rendons possibles ces aspects liés de notre vie? Ne sont-ce pas nos désirs à l'égard des autres ou notre recherche des places et des choses de l'existence samsarique qui en fin de compte font que nous éprouvons amertume et douleur? Il était une fois un homme qui travaillait au marché. Chaque jour il s'arrangeait pour détourner quelque nourriture qu'il apportait aux siens. Sa femme et son fils s'en trouvaient fort bien. Ils consacraient à acheter des vêtements et toutes sortes d'objets l'argent qu'il leur aurait fallu autrement dépenser pour se nourrir. Cet homme s'entendait répéter qu'il était le meilleur des maris et le meilleur des pères. Bientôt son frère, constatant une telle prospérité, le pria de voler aussi pour lui. L'homme accepta. Et son frère l'en louait: " Tu es le meilleur des frères. " Un peu plus tard, un voisin accablé de difficultés financières quémanda son aide. Et l'homme se mit à voler encore plus de nourriture au marché. Le voisin en fut reconnaissant: "Tu es le meilleur des amis que l'on puisse jamais avoir!" L'homme se sentit important et apprécié. Dans son désir d'être aimé et respecté il ne rendit nullement compte qu'il n'était plus qu'un voleur très ordinaire. Il fut pris, jugé, condamné et jeté dans une geôle pour y passer des années. Qui, de ceux auxquels il avait tant rendu service, se présenta pour prendre sa place en prison ne fût-ce qu'une seule nuit? Personne. Il apprit avec peine que sa famille évitait de reconnaître qu'elle comptait un voleur en son sein. Il apprit avec tristesse que son ami se répandait en propos détestables sur un voisin d'une si basse moralité qui, fort heureusement, croupissait maintenant en prison. Comme nous nous étonnons de ce que nous sommes réellement, nous devons davantage réfléchir sur les désirs déraisonnables manifestés par notre ego et sur les voies dangereuses où nous allons nous vautrer par attachement. Quand nous nous interrogeons: "Qui suis-je?", nous devons aussi nous demander si c'est en termes de biens terrestres ou de position sociale. Qu'arriverait-il si nous perdions notre argent, ou si nous étions rejetés de la société en raison d'un quelconque défaut ou de notre origine? Ne sommes nous que notre compte en banque, notre milieu social, notre hérédité? Et notre métier, nos occupations? Ne sommes nous que cela? Si un musicien se blesse gravement la main et ne peut plus jouer, cesse-t-il dès lors d'exister? A-t-il perdu son humanité et, avec l'habileté de sa main son identité de musicien? Ne nous reconnaissons-nous que par notre nationalité, par notre appartenance à une ville, par notre voisinage, par la langue que nous parlons, par l'équipe sportive dont nous sommes supporter? Perdons nous une partie de nous même quand nous changeons d'habitat? Ne sommes nous que nos corps physiques? Un homme possède une tête, un tronc et des membres. Que se passe-t-il s'il perd deux de ces membres? N'est-il plus que deux tiers d'homme? N'y aurait-il pas folie si devant hériter en même temps que son frère, il s'entendait réclamer deux tiers par ce frère sous prétexte qu'une jambe et un bras lui manquaient pour le partage? Alors, sommes nous en mesure de nous définir par notre ego, par notre conscience de Je, de moi, de mien? Qu'arrive-t-il quand nous dormons? Cessons nous d'exister? Que se passe-t-il lorsque notre attention est concentrée sur un problème ou un drame ou une musique sublime? Et quand nous méditons et perdons tout sens de Je? Les saints qui atteignent l'état de non ego cessent-ils d'exister? Et le Bouddha Shakyamuni- qui se détacha si bien de la personnalité de Siddharta que l'on put le désigner par "L'ainsi venu, l'ainséité de la réalité même"- cessa-t-il d'exister pour s'être débarrassé de son ego? En essayant de répondre au Hua Tou "Qui suis-je?", ou "Qui répète le nom du Bouddha?" nous avons à examiner nos identités illusoires, le changement même que nous sommes, nos identités samsariques, changeantes, provisoires. Alors, le Hua Tou nous en révélera davantage. Chers amis, rompez les vieilles amarres; dissolvez les orgueilleuses images de vous-mêmes et vos attachements singuliers. Remplacez cela par une humble et vaste ouverture. N'exigez rien de vos amis. Contentez vous d'être simplement amical, d'être celui qui respecte chacun et qui traite autrui avec bonté et considération. Ne réservez pas à vos seuls parents votre affection filiale; offrez votre sollicitude aux vieilles gens. Une fois que l'on s'est détaché des relations spécifiquement émotionnelles, et que nos relations s'adressent à l'humanité tout entière, une force de caractère nouvelle se fait jour en nous. Le Hua Tou " Qui suis-je? " est devenu une épée foudroyante qui, maniée à propos, décapite le nuisible ego. Un Hua Wei, ou "queue de mot" conduit à retrouver une pensée à son origine. Comme le Hua Tou, il peut être d'un grand secours. Par exemple, un enfant en présence de ses amis, pose à son père une question comme: "Pouvons nous aller au bord de la mer ce week end?". Le père répond brutalement: "Tu m'ennuies, ve-t-en!" et renvoie l'enfant qui en ressent de la gêne, et souffre d'avoir été ainsi rejeté. Cette réponse peut devenir un Hua Wei. Voici: L'homme doit se demander pourquoi il a maltraité son enfant aussi rudement: "Pourquoi, soudain, ai-je été hors de moi?". Il sait qu'avant la demande de l'enfant, tout allait bien. Qu'est-il donc arrivé qui provoque en lui ce changement imprévisible? Il repense à ce qui s'est dit. Est-ce le mot "week end" qui a suscité son attitude? Qu'évoque ce mot? S'il ne trouve pas de réponse, il pense à "bord de mer". Il se remémore toutes sortes de souvenirs de séjours au bord de la mer. Et puis voilà que tout à coup il s'en rappelle un qui le trouble. Il n'a pas envie d'y revenir. C'est alors que la discipline du Hua Wei veut qu'il examine précisément cet événement remémoré. Et pourquoi celui ci lui déplait-il? En quoi est-il si désagréable? Il analyse le contenu de ce souvenir; et il continue jusqu'à déterrer les racines enfouies de ce qui cause son désagrément. Chers amis, la brusque découverte de ces racines va sûrement blesser son orgueil et l'estime qu'il porte à soi-même. L'homme, en se souvenant, redonne vie en quelque sorte à une expérience passée. Il sera sans doute en mesure de revoir celle-ci d'autre façon, selon une perspective plus ouverte. Peut-être cette expérience douloureuse fut elle entraînée par le traitement bourru dont il fut l'objet de la part de son propre père dans des circonstances comparables. Il se rendra compte d'avoir reporté sur son fils, qui n'y est pour rien, la peine jadis éprouvée sur ce même sujet d'un voyage au bord de la mer. Il pourra se repentir de sa désastreuse rebuffade;- et en tirer quelque bénéfice. Il peut arriver qu'à se concentrer fortement sur le Hua Wei, on ait affaire au chien qui réussit à se mordre la queue. D'un seul coup de mâchoire,... il ira de la queue à la tête. Parfois un Hua Tou fonctionne comme une incitation, comme un guide qui nous aide à régler les problèmes de la vie. Un tel Hua Tou nous dirige tandis que nous avançons sur la difficile route de l'Eveil. Il y a bien longtemps, le Maître Chan Hui Jue de la Montagne Lang Ye avait pour disciple une femme venue s'instruire auprès de lui. Le Maître lui donna le Hua Tou "Qu'il en soit ainsi!" Il lui dit que si elle usait de ce Hua Tou avec foi comme d'une faulx, elle couperait radicalement ses illusions et préparerait la moisson de l'Eveil. La foi en son Maître ne manquait pas à cette femme. Déterminée à réussir, elle aiguisa son Hua Tou de plus en plus finement. Qu'il en soit ainsi! Qu'il en soit ainsi! Mais quoi.... "Il"? Et "soit ainsi"....qu'est-ce? - Etre...quoi? Elle rendait de plus en plus vif le fil de la lame. Sa maison brûla, et aux gens accourus, elle murmura simplement, les yeux clos: "Qu'il en soit ainsi!". Son fils se noya et quand on vint lui annoncer ce malheur elle ferma les yeux et dit seulement: "Qu'il en soit ainsi!". Un jour qu'elle préparait des beignets, elle jeta de la pâte dans l'huile chaude qui se mit à crépiter. Le grésillement soudain de la friture provoqua instantanément l'Eveil de cette femme. Aussitôt, elle lança la poêlée d'huile brûlante sur le sol et se mit à sauter sur place, frappant ses mains l'une contre l'autre, en s'esclaffant. Son mari pensa qu'elle avait perdu l'esprit. Malheur! Que faire? La femme se tourna vers lui et se contenta de lui dire: "Qu'il en soit ainsi!" Après quoi elle se rendit auprès de Maître Hui Jen, lequel constata qu'elle avait bien récolté le fruit sacré. Gardez votre Hua Tou à l'esprit! Gardez le à l'esprit à tout moment pour autant que ne soyez pas occupé à une tâche qui requière une attention particulière. Evidemment, si vous pilotez un avion, ce n'est pas au Hua Tou qu'il faut consacrer votre attention. Savoir si un chien possède ou non la Nature de Bouddha ne vous serait d'aucun secours si vous laissiez s'écraser votre appareil. En voiture, c'est sur la conduite que doit porter toute votre attention. Vous n'allez pas risquer de détruire les petits ego des autres sous prétexte de maîtriser le vôtre. Mais il y a bien des temps morts dans une journée pendant lesquels vous avez loisir de travailler à votre Hua Tou sans danger pour personne. D'ordinaire nous passons ces temps libres à des activités frivoles. Nous jouons à des jeux stupides, nous nous prélassons à écouter la radio, nous bavardons ou nous participons en spectateurs passifs à des événements sportifs. Ces moments là, nous devrions les réserver à notre Hua Tou, à river notre esprit dessus. Personne ne peut jamais prévoir quand et comment se produira l'instant magique. En Chine, nous avons coutume d'appeler "pure viande " n'importe quelle pièce de viande. C'est simplement tout morceau qui ne résulte pas d'un mélange,- tel qu'une saucisse par exemple. "Pure viande " peut aussi signifier "morceau de grand choix". C'est en général ainsi que les clients le désignent à leur boucher: pure viande, c'est à dire viande de première qualité. Il y avait une fois un homme toccupé sur le Hua Tou "Qui a la nature de Bouddha?" Il passait quotidiennement devant l'échoppe d'un boucher pour se rendre à son travail. Et sans y prêter guère attention, il entendait que l'on réclamait de la pure viande à ce boucher. Un jour qu'il passait comme d'ordinaire, il arriva une fois de plus qu'une femme exigea, mais à très haute voix de la pure viande et seulement de la pure viande. Son insistance irrita le boucher qui s'exclama: "Mais, quel morceau n'est pas pur?" L'homme entendit cette exclamation colérique et il comprit soudain qu'en vérité tout morceau de viande est pure viande, autrement dit que partout et en chacun gît la Nature de Bouddha. Qui a la Nature de Bouddha? Ne pourrait-on dire plutôt: "Qui n'a pas la Nature de Bouddha?" L'homme atteignit l'Eveil à l'instant même. Il en fut si bouleversé qu'il se mi à sauter de joie sur place en répétant: "Quel morceau n'est pas pur? Oui, oui, quel morceau n'est pas pur?" Cette folie passagère, nous la nommons la maladie du Chan. Elle ne dure pas longtemps, souvent quelques jours;- après quoi le " malade " retrouve son calme. C'est une maladie que l'on est heureux d'attraper. Et par bonheur, il n'existe pas de médecine pour y porter remède. Un jour un moine demanda à Zhao Zhou: "Qu'arrive-t-il à quelqu'un qui atteint l'état de la perte de sens? Zhao Zhou répondit: "Il le laisse tomber. " Le moine ne comprit pas. Et cette embarrassante réponse devint son Hua Tou. Comment peut-on laisser tomber ce qui n'est qu'absence? Il travaille et retravaille avec acharnement et pourtant il ne parvient pas à comprendre. Il retourne auprès de Zhao Zhou et lui demande comment il est possible de laisser tomber ce qui ne peut être saisi. Zhaao Zhou réplique simplement: "Eh bien, ce que tu ne peux pas laisser tomber, tu l'emportes! " Le moine aussitôt fut éveillé. Le Maître Zhao Zhou exprimait ainsi que la seule chose que nous ne pouvons en aucun cas laisser tomber est notre Nature de Bouddha. C'est cela et cela seulement que nous avons la possibilité de porter vraiment avec nous. Nous entendons dire parfois: "Vous ne l'emporterez pas avec vous!", ce qui donne à comprendre que nous laisserons fatalement derrière nous richesse, renommée et puissance quand on nous mettra dans la tombe. Mais c'est aussi notre ego que nous n'emporterons pas avec nous en entrant dans le Nirvana. Maïtre Zhao Zhou voulait aussi faire savoir au moine qu'atteindre l'Eveil est quelque chose dont personne ne peut se vanter. Nul ne peut dire: "J'ai atteint l'Eveil", pour la bonne raison que l'expérience de l'Illumination n'est justement pas l'expérience d'un ego. C'est avec l'extinction de l'ego que se produit l'expérience de l'Eveil. Avec l'Eveil, il n'y plus de Je pour prétendre à l'Eveil. Vivifiante et salutaire expérience! On pourrait ironiser en disant que quiconque souffre d'une maladie de l'ego devrait prendre une dose d'Eveil. Cela le soignerait à jamais. 2.-La méditation sur le son. Avant d'aller plus avant, il est nécessaire de procéder à la distinction entre les deux notions différentes connotées par le même mot d'Hôte, c'est à dire celle d'Hôte d'une part, et celle d'Invité de l'autre. Dans le Surangama Soutra, l'Arya Ajnatakaundinya demande: " Quelle différence y-a-t-il entre ce qui est fixé et ce qui passe? " Il répond en donnant l'exemple du voyageur qui s'arrête dans un auberge. Le voyageur soupe. Il dort sa nuit. Au matin il reprend la route. Il n'a fait que s'arrêter un moment à l'auberge. Il paie et s'en va son chemin. Mais l'aubergiste? Lui ne va nulle part. Il s'est installé à l'auberge C'est là qu'il vit et demeure. "Le voyageur est donc celui qui passe; il est le commensal, l'invité;- et l'aubergiste est celui qui reste; c'est l'hôte", dit l'Arya Ajnatakaundinya . De même les myriades de pensées surgies de l'ego, qui naissent et disparaissent dans le torrent de notre conscience, ne sauraient, tout comme des voyageurs en transit, être retenues par des rumination mentales. Notre Soi Bouddha est l'hôte chez qui passent les voyageurs. Un hôte digne de ce nom ne retarde pas ses clients par ses bavardages superflus lorsqu'ils sont sur le départ. C'est pourquoi, de même que l'hôte ne fait point ses bagages comme le font les voyageurs sur le point de s'en aller, de même ne devons nous pas poursuivre ces pensées fugaces qui nous traversent. Laissons les passer, sans jamais faire obstacle. Beaucoup s'efforcent de vider leur esprit de toute pensée. C'est là leur pratique de méditation. Ils tentent de ne pas penser. Ils pensent et pensent à ne pas penser. C'est une technique fort ardue qui n'est pas recommandée aux débutants. De fait, l'état de " non pensée " qu'ils recherchent est un état spirituel très avancé, qui doit être précédé de bien d'autre états. Progresser dans le Chan est comme s'essayer à escalader une montagne. Nous partons d'en bas. Notre premier but est non pas le sommet mais le camp de base. Après y avoir pris du repos nous repartons. Notre destination n'est toujours pas le sommet;- c'est simplement le camp numéro 2.Ce sera seulement après avoir quitté le dernier camp que nous tenterons enfin d'atteindre le sommet. Personne ne rêve de gravir le Mont Everest en une seule et rapide ascension. Et le sommet du Chan est bien plus haut que l'Everest. Cependant, dans le Chan, tout le monde veut arriver en haut d'un coup. Personne ne pense à commencer par le commencement. Si les débutants avaient la faculté de survoler le sommet en avion, ils ne manqueraient pas de le faire. Mais serait-ce encore escalader une montagne? C'est l'enthousiasme qui pousse les gens à rechercher des raccourcis. Ces raccourcis n'en sont pas, car c'est le voyage qui est le véritable accomplissement. Meilleure que la méthode qui s'acharne à obscurcir délibérément l'esprit en empêchant les pensées de se faire jour est la méthode de méditation sur le son. Elle consiste en ceci: on s'assied dans le calme et on laisse tout son entendu passer et, pour ainsi dire: entrer par une oreille et sortir par l'autre. On ressemble à l'hôte aubergiste. On se garde de troubler les pensées en transit par de vains bavardages. Si c'est la corne d'une voiture que nous entendons, nous nous contentons d'enregistrer ce bruit sans nous dire: "On dirait le son de la Bentley de M. Untel. Je me demande bien où il va!" Ou si nous entendons venu du dehors un hurlement d'enfant, laissons passer ce cri à travers notre esprit sans nous dire: "Oh! Assez de ce bruit! La mère devrait enseigner de meilleures manières à soin fils." Dans certaines écoles de Chan, voyez-vous, on a l'habitude de frapper d'un coup de bâton ceux qui montrent un soupçon de tendance à s'endormir. Dans la travée médiane de la Salle de Méditation, circule un préposé au bâton, qui va et qui vient. Il est interdit de faire le moindre mouvement ou de faire entendre le moindre bruit de respiration. Et même, -le Ciel me pardonne!- de piquer du nez, car le bâton s'abat! C'est folie, et c'est en vérité enfreindre le précepte de non violence. Que devrions nous faire lorsque qu'un prêtre ou une nonne d'âge respectable commence à s'assoupir dans la Salle de Méditation? Devrions nous le frapper d'un coup de bâton? Devons nous confondre sommeil et paresse? Peut-être la personne en train de s'endormir a-t-elle passé une nuit pénible. Faut-il la punir si par épuisement elle succombe au sommeil? Certes non. Nous ferions mieux de lui offrir un bol de thé corsé. Si elle se reprend, elle boit son thé; mais si elle se montre encline à poursuivre sa sieste, laissons la donc se reposer. Peut-être une respiration bruyante ou un manque de repos ne sont ils que les symptômes de quelque affection. Nous revient-il de punir un malade et d'ajouter à son inconfort? Certes non. Ce n'est pas là le chemin du Chan. Mais que devons-nous faire si nous sommes assurés que la conduite bruyante n'est due ni à la fatigue ni à un malaise? Nous servir tout simplement de ce bruit de respiration ou de mouvement comme nous le ferions du bruit de la voiture ou du cri de l'enfant. L'enregistrer sans en rien penser. Ne pas laisser notre ego s'attacher à ce bruit. Laisser ce bruit traverser sans trouble notre esprit, comme le voyageur passe à l'auberge. Un voyageur arrive puis il s'en va. Nous ne fouillerons pas ses affaires. Nous ne l'importunerons pas de notre curiosité et de nos parlottes. Une fois le Bouddha demanda à Manjusri de choisir parmi plusieurs méthodes en vue de parvenir à l'illumination. " Laquelle estimes tu la meilleure?" demanda-t-il. Manjusri se décida aussitôt pour la méthode du Bodhisattva Avalokiteshvara, la méthode du son, qu'il jugea la meilleure. Souvenez vous toujours qu'en méditant sur un son il est capital de s'abstenir de l'attitude habituelle de l'ego qui écoute; il est capital de laisser le Soi Bouddha enregistrer sans les juger les sons qui atteignent l'oreille. Où que nous soyons, nous faisons un Bodhimandala de l'endroit où nous sommes, nous en faisons un emplacement sacré où l'Illumination peut se produire. Point n'est besoin de nous trouver dans une Salle de Méditation pour pratiquer cette technique. Chaque jour, dans toutes nos activités, en quelque lieu que nous soyons, nous pouvons pratiquer. Notre pratique ne doit pas se limiter à notre temps de présence dans une Salle de Méditation du Chan. En fait, la fonction d'une Salle de Méditation consiste simplement à fournir un site de moindre distraction à tous ceux qui éprouvent de la difficulté à garder leur attention juste concentrée sur ce qu'ils font. Certains aiment se rendre dans une Salle de Méditation parce qu'il leur faut se sentir obligés à méditer. Ils ne peuvent méditer isolés, chez eux. Pourquoi éprouve-t-on la nécessité d'être contraint à une magnifique expérience? Quelle absurdité n'est-ce pas là? D'autres vont à la Salle de Méditation par besoin d'y retrouver des amis. C'est mésuser du Chan. C'est transformer le Chan, qui est une Voie vers l'Eveil, en une attitude samsarique, en une promenade sans issue. Quelle pitié! 3.- La Méditation sur un Objet Particulier. Il arrive qu'un voyageur ne soit pas un simple passant. Il arrive qu'un voyageur se présente à l'auberge dans l'intention d'y demeurer un peu. L'hôte devra alors lui prêter quelque attention. L'aubergiste n'accorde aucun intérêt spécial au voyageur avant de lui avoir fait signer son registre. Cette image est faite pour montrer qu'avant de s'asseoir pour méditer nous ne nous attachons pas particulièrement à étudier l'objet sur lequel nous allons méditer. Supposons que nous prenions une rose pour objet de méditation. C'est un objet de choix pour la Méditation Chan parce que, après tout, la rose représente l'un des tributs de la Chine à l'horticulture et au monde. La rose peut concerner nos sens de plusieurs façons. Une fois le calme obtenu et la respiration bien régulière, on ferme doucement les yeux et l'on s'essaie à construire mentalement une rose, sans toutefois s'autoriser à utiliser les souvenirs de roses qui gisent dans la mémoire. On voit une tige, -sa longueur, son épaisseur, sa qualité de vert et ainsi de suite. On voit les épines, leur forme, leur pointe, leur disposition sur la tige. Et toujours sans se détourner vers le rappel de circonstances particulières où l'on s'est piqué sur des épines. Il se peut que nous ressentions des piqûres, mais point par le souvenir. Ensuite, nous en venons aux différentes parties de la fleur. Selon notre compétence en botanique, nous assemblons sépales, pistil, étamines, pétales. Les pétales de rose sont la douceur même .De quelle couleur sont-ils? Le pollen est une poudre jaune et si légère. Nous en voyons la poussière répandue sur les pétales. Et il y a le parfum de la rose. Quelle est donc cette odeur si particulière de la rose? C'est comme si nous la sentions dans sa présence réelle. C'est ainsi que l'on médite sur la rose ou sur tout autre objet. Et souvenons nous: ne jamais nous égarer dans des digresssions sur nos expériences, telles que: "les roses que j'ai connues... ".ou sur des exemples passés de roses offertes ou de roses reçues. Ne rien penser du tout! Etre juste attentifs à la rose que nous élaborons, -en toutes ses parties- et aux sensations associées à notre construction. La rose va s'épanouir en notre arrangement mental. Elle sera d'une si exquise beauté que nous croirons avoir contemplé une rose céleste idéale. Nous pourrons nous en féliciter ensuite. Il est si peu de gens autorisés à admirer des trésors célestes. 4.- La Méditation sur le Nom de Bouddha . Le Bouddha Amitaba, -le Bouddha de l'Ouest- tient une importante place dans le Bouddhisme Mahayana. Les Chinois le nomment Amitofo. La répétition de son nom constitue une excellente pratique. Tout d'abord, il faut garder présente à l'esprit une image du Bouddha Amitaba . Nous rappeler que nous éprouvons une grande reconnaissance envers lui. Le Bodhisattva Avalokiteshvara - Guan Yin- n'est-il pas censé avoir jailli de son front? Sans Guan Yin, le Bodhisattva de la Compassion, où en serait le projet mahayaniste de sauver tous les êtres? Donc, nous gardons le Bouddha en esprit tandis que nous répétons le nom sacré. Y-a-t-il une mauvaise façon de répéter le nom de Bouddha? Pensez à une personne malade à qui l'on donne une boite de pilules de pénicilline. Et voyez cette personne armée de la boite de pilules. Elle répète indéfiniment: "pénicilline! pénicilline! pénicilline!". Ira-t-elle ainsi vers la guérison? Non. Rien n'y fera si elle n'absorbe pas le médicament. Il faut qu'elle l'avale et qu'elle l'assimile. Se contenter de répéter le nom d'un remède n'est en rien curatif.
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dernière revision:
11/07/2004
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